commentaire de Dom Delatte
Le récit de la première onction du Seigneur n’appartient qu’à saint Luc ; les autres évangélistes font mention d’une seconde, qui eut lieu à Béthanie, chez Simon le lépreux, peu de temps avant la Passion. À quelle époque se place celle-ci, dans quelle ville, avant ou après quel événement ? Rien dans le texte ne l’indique. Simon le pharisien est-il le même personnage que Simon le lépreux, et la pécheresse d’aujourd’hui est-elle Marie-Madeleine ? Autant de problèmes que l’Écriture Sainte abandonne à nos libres recherches. L’opposition des Juifs fournit à saint Luc une occasion nouvelle de montrer vers qui s’incline la bienveillance du Seigneur. Quelqu’un d’entre les pharisiens le pria de venir manger chez lui, par politesse, peut-être aussi par curiosité ; peut-être pour s’assurer si réellement le Seigneur était un prophète. En tout cas, il pourra constater une fois de plus que Jésus, comme on le lui reproche, est l’ami des publicains et des pécheurs. Jésus entre dans la maison et s’assied pour le repas, appuyé sur le bras gauche, le bras droit libre vers la table, les pieds un peu en arrière et dégagés des sandales, et une femme entre après lui. Toute la ville la connaissait bien : c’était une pécheresse. Avait-elle entendu le Seigneur proclamer la miséricorde et se dire le médecin de tous ceux qui étaient malades en Israël ? Du moins, elle avait appris sa présence chez le pharisien, et apparut dans la salle du festin, soit grâce aux facilités de la coutume orientale, soit qu’elle eût ses entrées dans cette maison. Elle portait un vase d’albâtre rempli de parfum. Elle se tint un instant debout, puis s’agenouilla, arrosa de ses larmes les pieds du Seigneur, les essuya de ses cheveux, les baisa et les couvrit de parfum. Tous ces détails ont leur prix, et le Seigneur les rappellera dans un instant. Maintenant il laisse faire et se prête ; la pécheresse, de son côté, ne s’occupe nullement de l’assistance, il n’est pour elle au monde que le Seigneur.
Le pharisien regardait la scène, et disait dans son cœur : « Cet homme-là, s’il était prophète, saurait bien qui est cette femme qui le touche ; il saurait que c’est une pécheresse ». D’un fait exact, le pharisien tire une conclusion qui ne l’est pas, et se scandalise. Le Seigneur entend sa difficulté. Il ne revendique rien pour lui-même, ni ne reproche à Simon de le diminuer. Là où le pharisien dédaignant la pécheresse incrimine l’attitude de Jésus, le Seigneur, lui, n’a souci que de la pauvre femme, et prend en main sa cause contre Simon, comme il fera contre Marthe, et plus tard contre les disciples. Avec une courtoisie parfaite, il demande à son hôte, pour répondre à sa pensée secrète, la permission de lui parler en toute franchise. Le pharisien lui répond : Parlez, maître. Un créancier, reprend Jésus, avait deux débiteurs : l’un devait cinq cents deniers, l’autre cinquante. Comme ils ne pouvaient s’acquitter ni l’un ni l’autre, il remit à tous deux toute leur dette. Lequel des deux l’aimera le plus ? — Il s’agit bien de l’amour de gratitude, de celui qui est la conséquence de la rémission. Peut-être y eut-il un peu d’indifférence affectée dans la réponse du pharisien : le problème était trop simple pour être proposé. Il me semble, dit-il, que celui-là aimera davantage à qui l’on a plus remis. — En effet, dit le Seigneur.
Jusqu’à ce moment, le Sauveur avait feint de ne s’apercevoir de rien. Il traitait la pécheresse comme il traitera la Chananéenne, avec une apparente inattention. Mais alors il se tourna vers elle, et dit à Simon : Vous voyez cette femme ? Lorsque je suis entré dans votre maison, vous ne m’avez point donné d’eau pour laver mes pieds ; mais elle, c’est de ses larmes qu’elle les a couverts, et de ses cheveux qu’elle les a essuyés. — Simon avait donc négligé de rendre à son hôte les devoirs habituels de l’hospitalité orientale, lorsqu’elle voulait se montrer empressée et affectueuse. Le Seigneur poursuit : Vous ne m’avez point accueilli par un baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, n’a cessé de couvrir mes pieds de ses baisers. Vous n’avez point versé d’huile sur ma tête ; elle, c’est sur mes pieds qu’elle a versé un parfum exquis. C’est pourquoi, je vous le dis, beaucoup de péchés lui sont pardonnés parce qu’elle a aimé beaucoup ; celui-là aime moins à qui on a moins pardonné.
Le pharisien s’était dit : C’est une pécheresse, et puisque Jésus ne paraît pas s’en douter, il n’est donc pas prophète. À quoi le Seigneur répond : Vous vous trompez, ses péchés sont remis, elle est pure. L’indice et la cause de ce pardon, c’est sa charité même. Il n’y a plus de souillure dans une âme qui témoigne d’une pareille tendresse. Tout son passé est effacé, puisqu’elle aime et qu’elle aime à ce point. La charité est donc ici tout à la fois cause et effet : cause, puisque c’est à raison de sa charité que ses péchés lui sont remis ; effet et fruit du pardon, puisqu’elle aime davantage, dans la mesure de ses fautes et du large pardon qui les a effacées. La grâce divine et la charité avaient purifié la pécheresse dès avant qu’elle touchât le Seigneur, Il lui donne maintenant l’assurance qu’il ne reste plus rien de ses fautes. « Vos péchés sont pardonnés », dit-il. Et les convives de se demander à part eux : « Quel est-il donc, cet homme qui remet les péchés eux-mêmes ? » Il ne semble pas que ces réflexions soient hostiles. Et le Seigneur met fin à tout l’incident en disant à la pécheresse : « Votre foi vous a sauvée : allez en paix. »
Prières
Oraison
Faites, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant, que la dignité de la nature humaine, qui a été blessée par l’intempérance, soit rétablie au moyen de cette abstinence salutaire.
Oratio
Præsta, quæsumus, omnípotens Deus : ut dígnitas condiciónis humánæ, per immoderántiam sauciáta, medicinális parsimóniæ stúdio reformétur. Per Dóminum.
Oraison
Nous vous en supplions, Seigneur, soyez .propice à votre peuple afin que repoussant ce qui vous déplaît, il ressente toujours davantage les délices que vous réservez à ceux qui observent vos commandements.
Oratio
Esto, quæsumus, Dómine, propítius plebi tuæ : ut, quæ tibi non placent, respuéntes ; tuórum pótius repleántur delectatiónibus mandatórum. Per Dóminum.
Prière du Pape Pie VI (1717-1799)
Ô Juste Dieu ! Je confesse avec douleur, que je suis le plus ingrat des hommes, et que j’ai contracté près de vous les plus grandes dettes par le grand nombre de mes péchés : je ne mérite ni pardon, ni grâce ; cependant, puisque vos bontés et miséricordes sont sans bornes, et que vous-même invitez les pécheurs à la pénitence, je crie vers vous avec un cœur contrit : « Pardonnez-nous nos offenses ». Souvenez-vous que votre Fils bien-aimé s’est chargé de tous nos péchés, qu’il a affiché à sa Croix le titre de nos dettes, et l’a effacé par son Sang. C’est à ce Sang Très Précieux que j’unis mes larmes, en satisfaction de mes péchés, que j’éviterai sérieusement à l’avenir, et que je haïrai plus que tous les autres maux. Mais, ô Père de Miséricorde ! Afin que, selon vos promesses, vous me pardonniez d’autant plus : par amour de vous et suivant l’exemple de mon Sauveur, je pardonne de cœur à tous et un chacun, qui m’ont offensé. Ainsi soit-il.
Antiennes
Ã. Magíster dicit : Tempus meum prope est, apud te fácio Pascha cum discípulis meis.
Ã. Le Maître dit : Mon temps est proche, je veux faire chez toi la Pâque avec mes disciples.
Antienne grégorienne “Magister dicit”
Ã. Desidério desiderávi Pascha manducáre vobíscum, ántequam pátiar.
Ã. J’ai désiré d’un grand désir de manger la Pâque avec vous, avant de souffrir.