Chemin de Croix par Dom Marmion
- Introduction
- 1ère Station : Jésus est condamné à mort par Pilate
- 2ème Station : Jésus est chargé de sa Croix
- 3ème Station : Jésus tombe une première fois
- 4ème Station : Jésus rencontre sa Sainte Mère
- 5ème Station : Simon le Cyrénéen aide Jésus à porter sa Croix
- 6ème Station : Véronique essuie la Sainte Face de Jésus
- 7ème Station : Jésus tombe une deuxième fois
- 8ème Station : Jésus parle aux femmes de Jérusalem
- 9ème Station : Jésus tombe une troisième fois
- 10ème Station : Jésus est dépouillé de ses vêtements
- 11ème Station : Jésus est cloué à la Croix
- 12ème Station : Jésus meurt sur la Croix
- 13ème Station : Le corps de Jésus est descendu de la Croix et remis à sa Sainte Mère
- 14ème Station : Le corps de Jésus déposé dans le tombeau
Mon Jésus, vous avez parcouru cet itinéraire pour mon amour en portant votre croix. Je veux le faire avec vous et comme vous ; pénétrez mon cœur des sentiments qui débordaient du vôtre en ces heures saintes. Offrez pour moi à votre Père le sang précieux que vous avez répandu alors pour mon salut et ma sanctification.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Jésus est debout devant le gouverneur romain. »
Il est debout, parce que, second Adam, il est le chef de toute la race qu’il va racheter par son immolation. Le premier Adam, avait, par son péché, mérité la mort ». Jésus, innocent, mais chargé des péchés du monde, doit les expier par son sacrifice sanglant. Les princes des prêtres, les pharisiens, son propre peuple « l’entourent comme des taureaux furieux ». Nos péchés crient par leurs clameurs et exigent tumultueusement la mort du juste. Le lâche gouverneur romain « leur livre la victime pour qu’elle soit attachée à la croix ».
Que fait Jésus ? S’il est debout parce qu’il est notre chef ; si, comme dit saint Paul, « il rend témoignage » de la vérité de sa doctrine, de la divinité de sa personne et de sa mission, il s’abaisse cependant intérieurement devant l’arrêt prononcé par Pilate : il lui reconnaît un pouvoir authentique. Dans cette puissance terrestre, indigne mais légitime, Jésus voit la majesté de son Père. Et que fait-il ? Il se livre plus qu’il n’est livré. Il s’humilie en obéissant jusqu’à la mort ; il accepte volontairement pour nous, afin de nous rendre la vie, la sentence de condamnation. « De même que la désobéissance d’un seul homme, Adam, a entraîné la perte d’un grand nombre, ainsi l’obéissance d’un seul, le Christ Jésus, les établira dans la justice. »
Nous devons nous unir à Jésus dans son obéissance, accepter tout ce que notre Père des cieux nous imposera par qui que ce soit, un Hérode ou un Pilate, du moment que leur autorité est légitime. – Acceptons aussi, dès maintenant, la mort, en expiation de nos péchés, avec toutes les circonstances dont il plaira à la Providence de l’entourer ; acceptons-la comme un hommage rendu à la justice et à la sainteté divines outragées par nos fautes ; unie à celle de Jésus, elle deviendra « précieuse aux yeux du Seigneur ».
Mon divin Maître, je m’unis à votre Cœur sacré dans sa soumission parfaite et son abandon entier aux volontés du Père. Que la vertu de votre grâce produise en mon âme cet esprit de soumission qui me livre sans réserve et sans murmure au bon plaisir d’en haut, à tout ce qu’il vous plaira de m’envoyer à l’heure où je devrai quitter ce monde.
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Pilate leur livra Jésus pour être crucifié, et ils l’emmenèrent portant sa croix. »
Jésus avait fait un acte d’obéissance ; il s’était livré aux volontés de son Père, et maintenant le Père lui montre ce que l’obéissance lui impose : c’est la croix. Il l’accepte comme venant des mains de son Père, avec tout ce qu’elle comporte de douleurs et d’ignominies. En cet instant, Jésus acceptait le surcroît de souffrances qu’apportait ce lourd fardeau à ses épaules meurtries, les tortures indicibles dont ses membres sacrés seraient affligés au moment de la crucifixion ; il acceptait les amers sarcasmes, les haineux blasphèmes, dont ses pires ennemis, en apparence triomphants, allaient l’accabler aussitôt qu’ils le verraient suspendu au gibet infâme ; il acceptait l’agonie de trois heures, l’abandon de son Père… Nous n’approfondirons jamais l’abîme d’afflictions auxquelles notre divin Sauveur a consenti en recevant la croix. – En ce moment aussi, le Christ Jésus, qui nous représentait tous, et qui allait mourir pour nous, acceptait la croix pour tous ses membres, pour chacun de nous. Il a uni alors aux siennes toutes les souffrances de son Corps mystique ; il leur a fait puiser dans cette union leur valeur et leur prix.
Acceptons donc notre croix en union avec lui, comme lui, pour être de dignes disciples de ce chef divin ; acceptons-la sans raisonner, sans murmurer ; si lourde qu’ait été pour Jésus la croix que le Père lui imposait, a-t-elle diminué son amour, sa confiance envers son Père ? Bien au contraire. « Je boirai le calice d’amertume que mon Père me présente. » Qu’il en soit ainsi de nous. « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et me suive. » Ne soyons pas de ceux que saint Paul appelle « ennemis de la croix de Jésus ». Prenons plutôt notre croix, celle que Dieu nous impose ; dans l’acceptation généreuse de cette croix, nous trouverons la paix : rien ne pacifie tant l’âme qui souffre, que cet abandon entier au bon plaisir de Dieu.
Mon Jésus, j’accepte toutes les croix, toutes les contradictions, toutes les adversités que le Père m’a destinées ; que l’onction de votre grâce me donne la force de porter ces croix avec le même abandon que vous nous avez montré en recevant la vôtre pour nous. « Que je ne cherche ma gloire qu’en la participation à vos souffrances ! »
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Il sera un homme de douleurs et il connaîtra la faiblesse. »
Cette prophétie d’Isaïe s’accomplit à la lettre. Jésus, épuisé par les souffrances de l’âme et du corps, succombe sous le poids de la croix : la toute-puissance tombe de faiblesse. Cette faiblesse de Jésus honore sa puissance divine. Par elle, il expie nos péchés, il répare les révoltes de notre orgueil et il relève le monde impuissant à se sauver… De plus, il nous méritait à ce moment la grâce de nous humilier de nos fautes, de reconnaître nos chutes, de les avouer sincèrement ; il nous méritait la grâce de la force qui soutient notre faiblesse.
Avec le Christ prosterné devant son Père, détestons les élèvements de notre vanité et de notre ambition ; reconnaissons l’étendue de notre faiblesse. Autant Dieu accable les superbes, autant l’humble aveu de notre infirmité attire sa miséricorde. Crions miséricorde à Dieu dans les moments où nous sentons que nous sommes faibles en face de la croix, de la tentation, de l’accomplissement de la volonté divine. C’est en proclamant alors humblement notre infirmité qu’éclatera en nous le triomphe de la grâce qui, seule, peut nous sauver.
Ô Christ Jésus, prosterné sous votre croix, je vous adore. « Force de Dieu », vous vous montrez accablé de faiblesse pour nous apprendre l’humilité et confondre nos orgueils. Ô pontife, plein de sainteté, qui avez passé par nos épreuves afin de nous ressembler et de pouvoir « compatir à nos infirmités », ne m’abandonnez pas moi-même, car je ne suis que faiblesse ; « que votre force demeure en moi », afin que je ne succombe pas au mal.
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
Le jour est venu pour la Vierge Marie où doit se réaliser pleinement en elle la prophétie de Siméon : « Un glaive percera votre âme. »
De même qu’elle s’était unie à Jésus en l’offrant jadis au Temple, elle veut plus que jamais entrer dans ses sentiments et partager ses souffrances, à cette heure où Jésus va consommer son sacrifice. Elle se rend au Calvaire où elle sait que son Fils doit être crucifié. Sur la route, elle le rencontre. Quelle immense douleur de le voir dans cet affreux état ! Leurs regards s’échangent, et l’abîme des souffrances de Jésus appelle l’abîme de la compassion de sa Mère. Que ne ferait-elle pas pour lui ?
Cette rencontre fut à la fois une source de douleur et un principe de joie pour Jésus. Une douleur, en voyant la profonde désolation en laquelle son état si triste plongeait l’âme de sa mère ; une joie, à la pensée que ses souffrances allaient payer le prix de tous les privilèges dont elle était et devait être comblée. C’est pourquoi il s’arrête à peine. Le Christ avait le cœur le plus tendre qui soit ; au tombeau de Lazare, il versait des larmes ; il pleurait sur les malheurs de Jérusalem. Jamais fils n’a aimé sa mère comme lui ; quand il l’a rencontrée si désolée sur la route du Calvaire, il a dû sentir s’émouvoir toutes les fibres de son Cœur. Et pourtant, il passe outre, il continue son chemin vers le lieu de son supplice, parce que c’est la volonté de son Père. Marie s’associe à ce sentiment, elle sait que tout doit s’accomplir pour notre salut ; elle prend sa part des souffrances de Jésus en le suivant jusqu’au Golgotha, où elle deviendra corédemptrice. Rien d’humain ne doit nous retenir dans notre marche vers Dieu ; aucun amour naturel ne doit entraver notre amour pour le Christ : nous devons passer outre pour lui demeurer unis.
Demandons à la Vierge de nous associer à la contemplation des souffrances de Jésus et de nous donner part à la compassion qu’elle lui témoigne, afin d’y puiser la haine du péché qui a exigé une telle expiation. Il a plu parfois à Dieu, pour manifester sensiblement le fruit que produit la contemplation de la Passion, d’imprimer dans le corps de quelques saints, comme saint François d’Assise, les stigmates des plaies de Jésus. Nous ne devons pas désirer ces marques extérieures ; mais nous devons demander que l’image du Christ souffrant soit imprimée dans notre cœur. Sollicitons de la Vierge cette grâce précieuse : Mère sainte, daignez imprimer les plaies de Jésus crucifié en mon cœur très fortement.
Ô Mère, voilà votre Fils ; par l’amour que vous lui portez, faites que le souvenir de ses souffrances nous suive partout ; c’est en son nom que nous vous le demandons ; nous le refuser serait le refuser à lui-même puisque nous sommes ses membres. Ô Christ Jésus, voilà votre Mère ; à cause d’elle, accordez-nous de compatir à vos douleurs pour vous devenir semblables.
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Comme ils sortaient, ils rencontrèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, qu’ils réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus. »
Jésus est épuisé ; bien qu’il soit le Tout-Puissant, il veut que sa sainte humanité, chargée de tous les péchés du monde, éprouve le poids de la justice et de l’expiation. Mais il veut que nous l’aidions à porter sa croix. Simon nous représente tous, et c’est à nous tous que le Christ demande de partager ses souffrances : on n’est son disciple qu’à cette condition. « Si quelqu’un veut marcher sur mes traces, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. « Le Père a décidé qu’une part de douleurs serait laissée au Corps mystique de son Fils, qu’une portion de l’expiation serait subie par ses membres. Jésus le veut ainsi, et c’est pour signifier ce décret divin qu’il a accepté l’aide du Cyrénéen. Mais en même temps, il nous a mérité en ce moment la grâce de la force pour soutenir généreusement les épreuves : il a mis dans sa croix l’onction qui rend la nôtre tolérable ; car en portant notre croix, c’est bien la sienne que nous acceptons. Il unit nos souffrances à sa douleur, et il leur confère, par cette union, une valeur inestimable, source de grands mérites.
C’est ce que saint Paul nous fait entendre dans sa lettre aux Hébreux afin de nous encourager à tout supporter pour l’amour du Christ : « Courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, les yeux fixés sur Jésus, le guide et le consommateur de la foi ; au lieu de la joie qui lui était offerte, méprisant l’ignominie, il a souffert la croix, et, depuis lors, il a mérité d’être assis à la droite du trône de Dieu. – Considérez celui qui a supporté contre sa personne une si grande contradiction de la part des pécheurs afin de ne pas vous laisser abattre par le découragement. »
Mon Jésus, j’accepte de votre main les parcelles que vous détachez pour moi de votre croix ; j’accepte toutes les contrariétés, les contradictions, les peines, les douleurs que vous permettez ou qu’il vous plaît de m’envoyer ; je les accepte comme part d’expiation ; unissez ce peu que je fais à vos souffrances indicibles, car c’est d’elles que les miennes tireront tout leur mérite.
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
La tradition rapporte qu’une femme, prise de compassion, s’approcha de Jésus et lui tendit un linge pour essuyer sa face adorable.
Isaïe avait prédit de Jésus souffrant qu’« il n’aurait plus ni forme ni beauté, qu’il serait rendu méconnaissable ». L’Évangile nous dit que les soldats lui donnaient d’insolents soufflets, qu’ils lui crachaient à la face ; le couronnement d’épines avait fait découler le sang sur sa figure sacrée. Le Christ Jésus a voulu souffrir tout cela pour expier nos péchés ; « il a voulu nous guérir par les meurtrissures » qu’a subies sa face divine.
Étant notre frère aîné, il nous a rendu, en se substituant à nous dans sa Passion, la grâce qui fait de nous les enfants de son Père. Nous devons lui être semblables, puisque telle est la forme même de notre prédestination. Comment cela ? Tout défiguré qu’il est par nos péchés, le Christ dans sa Passion demeure le Fils bien-aimé, objet de toutes les complaisances de son Père. Nous lui sommes semblables en cela, si nous gardons en nous la grâce sanctifiante qui est le principe de notre similitude divine. Nous lui sommes semblables encore en pratiquant les vertus qu’il manifeste durant sa Passion, en partageant l’amour qu’il porte à son Père et aux âmes, sa patience, sa force, sa mansuétude, sa douceur.
Ô Père céleste, en retour des meurtrissures que votre Fils Jésus a voulu souffrir pour nous, glorifiez-le, élevez-le, donnez-lui cette splendeur qu’il a méritée lorsque sa face adorable a été défigurée pour notre salut.
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
Considérons notre divin Sauveur succombant encore sous le poids de sa croix. « Dieu a placé sur ses épaules tous les péchés du monde. » Ce sont nos péchés qui l’écrasent ; il les voit tous dans leur multitude et leur détail, il les accepte comme siens au point de ne paraître plus, selon la parole même de saint Paul, qu’un péché vivant. Comme Verbe éternel, Jésus est tout-puissant ; mais il veut éprouver toute la faiblesse d’une humanité écrasée : cette faiblesse toute volontaire honore la justice de son Père céleste, et nous mérite la force.
N’oublions jamais nos infirmités ; ne nous laissons jamais aller à l’orgueil ; si grands progrès que nous croyions avoir réalisés, nous demeurons toujours faibles pour porter notre croix à la suite de Jésus. Seule, la vertu divine qui découle de lui devient notre force ; mais elle ne nous est donnée que si nous l’implorons souvent.
Ô Jésus, rendu faible pour mon amour, écrasé sous le poids de mes péchés, donnez-moi la force qui est en vous, afin que vous seul soyez glorifié par mes œuvres !
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Jésus était suivi d’une grande foule de peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Se tournant vers elles, Jésus dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants, car des jours viendront où l’on dira : Bienheureuses celles qui furent stériles… Et les hommes crieront aux montagnes : Tombez sur nous… Car si le bois vert est ainsi traité, que fera-t-on du bois sec ? »
Jésus connaît les exigences ineffables de la justice et de la sainteté de son Père. Il rappelle aux filles de Jérusalem que cette justice et cette sainteté sont des perfections adorables de l’Être divin. Lui, il est un « pontife saint, innocent, pur, séparé des pécheurs » ; il ne fait que se substituer à eux ; et pourtant, voyez de quelles atteintes rigoureuses la divine justice le frappe. Si cette justice réclame de lui une expiation si étendue, quelle sera la force de ses coups contre les coupables qui auront obstinément refusé jusqu’au dernier jour d’unir leur part d’expiation aux souffrances du Christ ? Ce jour-là, la confusion de l’orgueil humain sera si profonde, le supplice de ceux qui n’auront pas voulu de Dieu si terrible que ces malheureux, rejetés loin de Dieu pour toujours, grinceront des dents de désespoir ; ils demanderont « aux collines de les couvrir », comme si elles pouvaient les dérober aux traits enflammés d’une justice dont ils reconnaissent avec évidence l’entière équité…
Implorons la miséricorde de Jésus pour le jour redoutable où il viendra non plus en victime ployant sous le poids de nos péchés, mais en juge souverain « à qui le Père a remis toute puissance ».
Ô mon Jésus, faites-moi miséricorde ! Ô vous, qui êtes la vigne, donnez-moi de demeurer uni à vous par la grâce et mes bonnes œuvres, afin que je porte des fruits dignes de vous ; que je ne devienne pas, par mes péchés, « une branche morte, bonne à être retranchée et jetée au feu ».
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Dieu, disait Isaïe, en parlant du Christ durant sa Passion, a voulu le briser par la souffrance. »
Jésus est écrasé par la justice. Nous ne pourrons jamais, même au ciel, mesurer ce que fut pour Jésus, que d’être soumis aux traits de la justice divine. Aucune créature, pas même les damnés, n’en a porté le poids dans toute sa plénitude. Mais la sainte humanité de Jésus, unie à cette justice divine par un contact immédiat, en a subi toute la puissance et toute la rigueur. C’est pourquoi, victime qui s’est livrée par amour à tous ses coups, il est brisé par l’accablement que fait peser sur lui cette justice sainte.
Ô mon Jésus, apprenez-moi à détester le péché qui oblige la justice à réclamer de vous une telle expiation ! Donnez-moi d’unir à vos souffrances toutes mes peines, afin que par elles je puisse effacer mes fautes et satisfaire dès ici-bas.
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Ils se sont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma robe au sort. » C’est la prophétie du psalmiste.
Jésus est dépouillé de tout et mis dans la nudité d’une pauvreté absolue, il ne dispose pas même de ses vêtements ; car dès qu’il sera élevé en croix, les soldats se les partageront et jetteront sa tunique au sort. – Jésus, par un mouvement de l’Esprit Saint, s’abandonne à ses bourreaux comme victime pour nos péchés.
Rien n’est si glorieux pour Dieu ni si utile pour nos âmes que d’unir l’offrande absolue et sans condition de nous-mêmes à celle qu’a faite Jésus au moment où il s’abandonnait aux bourreaux pour être dépouillé de ses vêtements et attaché à la croix « afin de nous rendre, par son dénuement, les richesses de sa grâce ». Cette offrande de nous-mêmes est un véritable sacrifice ; cette immolation à la volonté divine est le fond de toute la vie spirituelle. Mais pour qu’elle acquière toute sa valeur, nous devons l’unir à celle de Jésus, car « c’est par cette oblation qu’il nous a tous sanctifiés ».
Ô mon Jésus, agréez l’offrande que je vous fais de tout mon être, joignez-la à celle que vous avez faite à votre Père céleste, au moment où vous êtes arrivé au Calvaire ; dépouillez-moi de toute attache à la créature et à moi-même !
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Ils le crucifièrent et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. »
Jésus se livre à ses bourreaux « comme un agneau, sans ouvrir la bouche ». La torture de ce crucifiement des mains et des pieds est inexprimable. Qui pourrait dire surtout les sentiments du Cœur sacré de Jésus au milieu de ces tourments ? Il devait répéter sans doute la parole qu’il avait dite en entrant en ce monde : « Père, vous ne voulez plus d’holocaustes d’animaux : ils sont insuffisants pour reconnaître votre sainteté… mais vous m’avez donné un corps. Me voici ! » Jésus regarde sans cesse la face de son Père, et avec un incommensurable sentiment d’amour, il livre son corps pour réparer les insultes faites à la majesté éternelle. On le crucifie entre deux larrons. « Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. » Et quelle mort subit-il ? La mort de la croix. Pourquoi cela ? Parce qu’il est écrit : « Maudit soit celui qui est suspendu au gibet. » Il a voulu être mis « au rang des scélérats », afin de reconnaître les droits souverains de la sainteté divine.
Il se livre aussi pour nous. Jésus, étant Dieu, nous voyait tous en ce moment ; il s’est offert pour nous racheter parce que c’est à lui, pontife et médiateur, que le Père nous a donnés. Quelle révélation de l’amour de Jésus pour nous ! « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Il n’aurait pu faire davantage : « Il les aima jusqu’à la fin. » Et cet amour, c’est aussi l’amour du Père et de l’Esprit Saint, car ils ne sont qu’un.
Ô Jésus, qui « en obéissant à la volonté du Père et par la coopération du Saint-Esprit, avez donné la vie au monde par votre mort, délivrez-moi, par votre corps infiniment saint et votre sang, de toutes mes fautes et de tous mes maux : faites que je m’attache inviolablement à votre loi et ne permettez pas que je me sépare de vous ».
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Et criant d’une voix puissante, Jésus dit : Père, je remets mon âme entre vos mains. Et ayant dit ces paroles, il expira. »
Après trois heures de souffrances indicibles, Jésus meurt. « La seule oblation digne de Dieu, l’unique sacrifice qui rachète le monde et sanctifie les âmes est accompli. » Le Christ Jésus avait promis que, « quand il aurait été élevé sur la croix, il attirerait tout à lui ». Nous sommes à lui à un double titre : comme créatures tirées du néant par lui, pour lui ; – comme des âmes « rachetées par son sang » précieux. Une seule goutte du sang de Jésus, Homme-Dieu, aurait suffi pour nous sauver, car tout en lui a une valeur infinie ; mais, parmi tant d’autres raisons, il a voulu le répandre jusqu’à la dernière goutte en faisant percer son Cœur sacré, afin de nous manifester l’étendue de son amour. – Et c’est pour nous tous qu’il l’a versé ; chacun peut redire en toute vérité la brûlante parole de saint Paul : « Il m’a aimé, et s’est livré pour moi ! »
Demandons-lui de nous attirer à son Cœur sacré par la vertu de sa mort sur la croix ; demandons-lui de mourir à nos amours-propres, à nos volontés propres, sources de tant d’infidélités et de péchés, et de vivre pour celui qui est mort pour nous. Puisque c’est à sa mort que nous devons la vie de nos âmes, n’est-il pas juste que nous ne vivions que pour lui ?
Ô Père, glorifiez votre Fils suspendu au gibet. Puisqu’il s’est abaissé jusqu’à la mort et à la mort de la croix, élevez-le ; que soit exalté le nom que vous lui avez donné ; que tout genou fléchisse devant lui ; que toute langue proclame que votre Fils Jésus vit désormais dans votre gloire éternelle !
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
Le corps meurtri de Jésus est rendu à Marie.
Nous ne pouvons imaginer la douleur de la Vierge à ce moment. Jamais mère n’a aimé son enfant comme Marie a aimé Jésus ; son cœur de mère a été façonné par l’Esprit Saint pour aimer un Homme-Dieu. Jamais cœur humain n’a battu avec plus de tendresse pour le Verbe incarné que le cœur de Marie ; car elle était pleine de grâce, et son amour ne rencontrait point d’obstacle à son épanouissement. Puis elle devait tout à Jésus ; son immaculée conception, les privilèges qui font d’elle une créature unique lui avaient été donnés en prévision de la mort de son Fils. Quelle douleur inexprimable fut la sienne, lorsqu’elle reçut dans ses bras le corps ensanglanté de Jésus ! Jetons-nous à ses pieds pour lui demander pardon des péchés qui furent la cause de tant de souffrances.
« Ô Mère, source d’amour, faites-moi comprendre la force de votre douleur, afin que je partage votre affliction ; faites que mon cœur soit embrasé d’amour pour le Christ, mon Dieu, afin que je ne songe qu’à lui plaire ! »
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.
« Joseph d’Arimathie, ayant descendu de la croix le corps de Jésus, l’enveloppa d’un linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc où personne n’avait encore été mis. »
Saint Paul disait que le Christ devait nous être semblable en toutes choses ; jusque dans sa sépulture, Jésus est l’un des nôtres : on l’ensevelit, dit saint Jean, à la manière des Juifs, avec des linges et des aromates. Mais le corps de Jésus, uni au Verbe, « ne devait pas souffrir la corruption ». Il restera à peine trois jours dans le tombeau ; par sa propre vertu, Jésus en sortira triomphant de la mort, resplendissant de vie et de gloire, et « la mort n’aura plus d’empire sur lui ».
L’Apôtre nous dit encore que « par notre baptême nous avons été ensevelis avec le Christ pour mourir au péché ». Les eaux du baptême sont comme un sépulcre où nous devons laisser le péché, et d’où nous sortons, animés d’une nouvelle vie, la vie de la grâce. La vertu sacramentelle de notre baptême dure toujours. En nous unissant par la foi et l’amour au Christ déposé dans le tombeau, nous renouvelons cette grâce de « mourir au péché afin de ne vivre que pour Dieu ».
Seigneur Jésus, que j’ensevelisse dans votre tombeau tous mes péchés, toutes mes fautes, toutes mes infidélités ; par la vertu de votre mort et de votre sépulture, donnez-moi de renoncer de plus en plus à tout ce qui m’éloigne de vous, à Satan, aux maximes du monde, à mes amours-propres ; par la vertu de votre résurrection, faites que, comme vous, je ne vive plus que pour la gloire de votre Père !
(1 Pater Noster + 1 Ave Maria + Gloria)
V/. Ayez pitié de nous, Seigneur. R/. Ayez pitié de nous.
V/. Que par la miséricorde de Dieu les âmes des fidèles reposent en paix. R/. Ainsi soit-il.