4ème dimanche de l’Avent

Le mot de Saint Grégoire le Grand

Tous ceux qui prêchent la foi droite et les bonnes œuvres, que font-ils d’autre que préparer le chemin au Seigneur qui vient dans les cœurs de ceux qui les écoutent ?

Sermon

Invoquer le Seigneur dans la vérité

La Prédication de Saint Jean-Baptiste : Com. de l’Évangile (Lc 3, 1-6) par Saint Grégoire le Grand

Le temps où le précurseur de notre Rédempteur reçut la parole de sa prédication est désigné par la mention du chef de l’État romain et des rois de Judée : « La quinzième année du règne de Tibère César, Ponce Pilate étant procurateur de la Judée, Hérode, tétrarque de Galilée, Philippe, son frère, tétrarque d’Iturée et de Trachonitide, Lysanias, tétrarque d’Abilène, sous les grands-prêtres Anne et Caïphe, la parole du Seigneur fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. »
Puisque Jean-Baptiste venait annoncer celui qui devait racheter quelques Juifs et beaucoup de païens, le temps de sa prédication est désigné par la mention de l’empereur des païens et des princes des Juifs. Mais parce que les païens devaient être réunis, et les Juifs dispersés à cause de leur incroyance, cette description du gouvernement du monde indique qu’un chef unique était à la tête de l’État romain, alors que le royaume de Judée, partagé en quatre, était gouverné par plusieurs princes. Notre Rédempteur n’a-t-il pas dit : « Tout royaume divisé contre lui-même court à sa ruine. » (Lc 11, 17). Il est donc clair que celui de Judée était arrivé au terme de son existence comme royaume, puisqu’il était divisé entre tant de rois.
C’est encore bien à propos que cet évangile ne nous dit pas seulement sous quels rois, mais aussi sous quels prêtres ces faits se produisirent. Jean-Baptiste annonçait celui qui devait être à la fois Roi et Prêtre ; c’est pourquoi l’évangéliste Luc situe le temps de la prédication de Jean en référence aux autorités royales et sacerdotales.
« Et il vint dans toute la région du Jourdain, prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. » Il est évident pour tous les lecteurs que Jean n’a pas seulement prêché le baptême de pénitence, mais qu’il l’a aussi administré à certains, sans pouvoir toutefois conférer par ce baptême la rémission des péchés. En effet, la rémission des péchés nous est accordée par le seul baptême du Christ. Aussi faut-il remarquer qu’il est dit : « Prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés », car ne pouvant administrer le baptême qui remet les péchés, il l’annonçait. De même que la parole de sa prédication était l’avant-coureur de la Parole du Père faite chair, ainsi son baptême, par lequel les péchés ne pouvaient être remis, devait être l’avant-coureur du baptême de pénitence, par lequel les péchés sont remis ; et de même que sa parole était l’avant-coureur de la personne du Rédempteur, ainsi son baptême, précédant celui du Seigneur, devait être l’ombre de la vérité.
Le texte poursuit : « Comme il est écrit dans le livre des oracles du prophète Isaïe : “Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers” (Is 40, 3). » Interrogé sur ce qu’il était, Jean-Baptiste répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert. » (Io 1, 23). Comme nous venons de le dire, s’il fut appelé « la voix » par le prophète, c’est qu’il précédait la Parole.
La suite nous révèle ce qu’il criait : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Tous ceux qui prêchent la foi droite et les bonnes œuvres, que font-ils d’autre que préparer le chemin au Seigneur qui vient dans les cœurs de ceux qui les écoutent ? Leur dessein est que la force de la grâce pénètre ces cœurs, et que la lumière de la vérité les éclaire ; ils veulent rendre droits les sentiers du Seigneur, en suggérant aux âmes des pensées pures par leur bonne prédication.
« Toute vallée sera comblée, toute montagne ou colline sera abaissée. » Que désignent ici les vallées, sinon les humbles, et les montagnes ou les collines, sinon les orgueilleux ? À la venue du Rédempteur, les vallées ont donc été comblées, et les montagnes ou les collines abaissées, parce que, suivant sa parole, « tous ceux qui s’élèvent seront abaissés, et tous ceux qui s’abaissent seront élevés » (Lc 14, 11). Oui, la vallée est comblée et son niveau s’élève, tandis que la montagne ou la colline est abaissée et que son niveau descend : par leur foi au Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ fait homme (cf. 1 Tm 2, 5), les païens ont reçu la plénitude de la grâce, tandis que les Juifs, en s’écartant de la vérité par leur refus de croire, ont perdu cela même qui faisait leur orgueil. Toute vallée sera comblée, car les cœurs des humbles, recevant la doctrine sacrée de l’Écriture, seront remplis de la grâce des vertus, selon ce qui est écrit : « Il fait jaillir des sources dans les vallées » (Ps 104, 10), et aussi : « Les vallées regorgeront de froment. » (Ps 65, 14). L’eau s’écoule du haut des montagnes, c’est-à-dire que la doctrine de vérité abandonne les esprits orgueilleux ; mais les sources naissent dans les vallées, en ce sens que les esprits humbles reçoivent la parole de la prédication. Que les vallées regorgent de froment, nous le voyons et le constatons déjà, puisque tant d’hommes doux et simples, qui paraissaient méprisables à ce monde, ont été comblés à satiété de l’aliment de la vérité.
Ayant reconnu de quelle admirable sainteté Jean-Baptiste était investi, le peuple voyait en lui cette montagne d’une hauteur et d’une fermeté incomparables, dont il est écrit : « À la fin des jours, la montagne de la maison du Seigneur sera affermie au sommet des montagnes. » (Mi 4, 1). Car on pensait que Jean était le Christ, ainsi que le rapporte l’Évangile : « Comme le peuple était dans l’attente et que tous se demandaient dans leur cœur, au sujet de Jean, s’il n’était pas le Christ, ils l’interrogèrent : “Serais-tu le Christ ?” » (cf. Lc 3, 15). Mais si Jean ne s’était pas considéré comme une vallée, il n’aurait pas été rempli de l’esprit de grâce. Et pour bien montrer ce qu’il était, il déclara : « Un plus fort que moi vient après moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa sandale. » (Mc 1, 7). Il dit ailleurs : « Celui qui a l’épouse est l’époux, mais l’ami de l’époux, qui se tient là et l’écoute, se réjouit d’une grande joie à la voix de l’époux. Ainsi, ma joie est complète. Il faut qu’il croisse et que je diminue. » (Io 3, 29-30). Voyez : alors que Jean se montrait d’une vertu si extraordinaire dans ses œuvres qu’on le prenait pour le Christ, il répondit non seulement qu’il n’était pas le Christ, mais même qu’il n’était pas digne de délier la courroie de sa sandale, c’est-à-dire de sonder le mystère de son Incarnation. Ceux qui le prenaient pour le Christ croyaient aussi que l’Église était son épouse ; mais il affirma : « Celui qui a l’épouse est l’époux. » C’est comme s’il avait dit : « Je ne suis pas l’époux, mais l’ami de l’époux. » Et il déclarait se réjouir, non pas du fait de sa propre voix, mais à la voix de l’époux. En effet, ce qui réjouissait son cœur, ce n’était pas que le peuple écoute sa parole avec humilité, mais que lui-même entende au-dedans la voix de la Vérité qui le faisait parler au-dehors. C’est ce qu’il appelle justement une joie complète ; car celui qui se réjouit de sa propre voix n’a pas une joie parfaite.
Le Précurseur ajoute encore ceci : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Ici, il faut se demander en quoi le Christ a crû, en quoi Jean a diminué. Ne serait-ce pas que le peuple, voyant l’austérité de Jean et le considérant éloigné des hommes, pensait qu’il était le Christ, alors qu’apercevant le Christ lui-même mangeant avec les publicains et circulant au milieu des pécheurs, il croyait qu’il n’était pas le Christ, mais un prophète ? Mais lorsqu’au bout d’un certain temps, le Christ, qu’on pensait être un prophète, fut reconnu comme étant le Christ, tandis que Jean, qu’on croyait être le Christ, se découvrit n’être qu’un prophète, ce que le Précurseur avait dit du Christ se réalisa : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Dans l’opinion du peuple, en effet, le Christ a grandi en étant reconnu pour ce qu’il était, et Jean a baissé en cessant d’être dit ce qu’il n’était pas. Ainsi, puisque Jean a persévéré dans la sainteté pour être demeuré dans l’humilité du cœur, alors que beaucoup d’autres sont tombés pour s’être gonflés de pensées d’orgueil, c’est à bon droit qu’on dit : « Toute vallée sera comblée, toute montagne ou colline sera abaissée. » Car les humbles reçoivent le don que repoussent les cœurs orgueilleux.
Le texte poursuit : « Les chemins tortueux deviendront droits, et les raboteux seront aplanis. » Les chemins tortueux deviennent droits quand les cœurs des méchants, que l’injustice a tordus, sont ramenés à la rigueur d’une droite justice. Et les chemins raboteux sont aplanis lorsque les esprits violents et colériques redeviennent doux et bons par l’infusion de la grâce céleste. En effet, quand un esprit colérique n’accueille pas la parole de vérité, c’est comme si un chemin raboteux détournait les pas du marcheur. Mais lorsque cet esprit colérique, ayant reçu une grâce de bonté, accueille la parole de réprimande ou d’exhortation, le prédicateur trouve une route aplanie au lieu du chemin raboteux qui l’empêchait auparavant d’avancer, c’est-à-dire de poser le pied de sa prédication.
Le texte poursuit : « Et toute chair verra le salut de Dieu. » « Toute chair » signifie tout homme ; or il n’a pas été donné à tout homme de voir en cette vie le salut de Dieu, c’est-à-dire le Christ ; il est donc bien clair que dans cette sentence prophétique, le prophète a en vue le jour du jugement dernier, où, devant les cieux ouverts, le Christ apparaîtra sur son trône de majesté, au milieu des anges qui le serviront et des apôtres qui siégeront avec lui. Tous, élus et réprouvés, le verront pareillement, en sorte que les justes se réjouissent sans fin de leur récompense et que les pécheurs gémissent à jamais dans le supplice de leur châtiment. Et comme cette sentence vise ce que toute chair verra au jugement dernier, le texte ajoute bien à propos : « Il disait aux foules qui venaient se faire baptiser par lui : “Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?” » La colère qui vient, c’est la punition du châtiment final, auquel le pécheur ne saurait échapper s’il ne recourt dès maintenant aux larmes de la pénitence. Et remarquez que les mauvais rejetons qui imitent les actions de leurs mauvais parents sont appelés « race de vipères », parce que portant envie aux bons et les persécutant, rendant le mal à autrui et cherchant à nuire à leurs proches, ils suivent en tout cela les traces de leurs pères selon la chair, et sont, pour ainsi dire, des enfants venimeux nés de parents venimeux.
Mais puisque nous avons péché et que nous sommes devenus esclaves de nos mauvaises habitudes, que Jean nous dise ce qu’il nous faut faire pour fuir la colère qui vient. Le texte poursuit : « Faites donc de dignes fruits de pénitence. » En ces paroles, nous devons remarquer que l’ami de l’époux ne nous exhorte pas seulement à faire des fruits de pénitence, mais de dignes fruits de pénitence. En effet, une chose est de faire un fruit de pénitence, une autre de faire un digne fruit de pénitence. Et pour bien parler des dignes fruits de pénitence, il faut savoir que celui qui n’a rien fait de défendu peut de plein droit user des choses permises : il lui est ainsi possible de pratiquer les œuvres de charité sans pour autant se priver des biens de ce monde contre son gré. Mais si quelqu’un est tombé dans une faute de fornication, ou bien encore — ce qui est plus grave — dans l’adultère, il doit renoncer d’autant plus à ce qui est permis qu’il se rappelle avoir commis ce qui ne l’est pas. Car on n’est pas tenu d’accomplir le même fruit de bonne œuvre selon qu’on a plus ou moins péché : selon qu’on n’a commis aucun péché, qu’on en a commis quelques-uns, ou qu’on est tombé en beaucoup de fautes. Ces paroles : « Faites de dignes fruits de pénitence » prennent donc à partie la conscience de chacun, et l’invitent à se constituer par la pénitence un trésor de bonnes œuvres d’autant plus riche que ses fautes lui ont mérité de plus lourds châtiments.

Prières

Oratio

Excita, quæsumus, Dómine, poténtiam tuam, et veni : et magna nobis virtúte succúrre ; ut per auxílium grátiæ tuæ, quod nostra peccáta præpédiunt, indulgéntiæ tuæ propitiatiónis accéleret : Qui vivis et regnas.

Oraison

Excitez, Seigneur, votre puissance et venez : secourez-nous par votre grande votre force, afin que, avec l’aide de votre grâce, votre indulgente bonté nous accorde sans délai ce que retardent nos péchés.

Prière de Saint Bernard (1090-1153)

Attente des nations, Seigneur Jésus, venez ; que votre divine présence nous réjouisse. Nous avons besoin de conseils, de secours, de protection. Si nous voulons discerner entre le bien et le mal, nous sommes trop facilement trompés ou séduits. Si nous essayons de faire le bien, nous manquons de courage ; si nous nous efforçons de résister au mal, nous ne faisons que trop la triste expérience de notre fragilité. Nous sommes vaincus, nous succombons. Venez donc remédier à notre aveuglement, aider notre faiblesse, protéger notre fragilité. Venez, ô Splendeur de la Gloire de Dieu, ô Sagesse de Dieu, ô Force de Dieu. Changez nos ténèbres en lumière, préservez-nous des périls qui nous menacent, soulagez-nous dans les difficultés que nous traversons, affermissez notre courage dans les combats qui nous sont livrés, afin qu’après nous avoir tenus comme par la main et conduits, selon votre volonté, dans cette carrière que nous avons à parcourir ici-bas, vous nous receviez un jour dans la Cité permanente dont vous êtes le fondateur et l’architecte. Ainsi soit-il.

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