Notre vie monastique tient tout entière comme dans son germe, dans le propos de saint Benoît quittant Rome et l’étude des Belles Lettres pour vivre seul avec Dieu dans la grotte de Subiaco. Des disciples étant venus se placer sous sa conduite, saint Benoît les répartit dans des monastères et leur donna une Règle.
Saint Benoît n’assigne pas d’autre but à ses moines que celui de chercher Dieu véritablement, ou, selon l’expression de saint Paul, de “vivre pour Dieu”. Cette vie pour Dieu se traduira d’abord par une vie de renoncement :
- Renoncement du moine à lui-même, à sa volonté propre, par la pratique de l’humilité, de la charité fraternelle, et de l’obéissance à une Règle et à un Père spirituel qui représente le Christ lui-même.
- Renoncement du moine au monde, par une vie de retraite, par la pratique de la pauvreté religieuse, par le port de l’habit religieux.
- Renoncement aux plaisirs de ce monde, par la chasteté consacrée, par la pratique du silence, des veilles, du jeûne et de l’abstinence, du travail manuel.
Ces renoncements ne sont pas une fin en soi, mais ils vont permettre au moine de se donner pleinement à Dieu : ils n’ont pas d’autre but, en effet, que de rendre le moine plus apte à la vie de prière et de contemplation. Car, dès ici-bas, le moine s’attache à la fin ultime de toute créature, c’est-à-dire la gloire de Dieu. C’est pourquoi son activité principale est de chanter les louanges divines par la prière liturgique des Heures canoniales, et par la célébration du sacrifice de la Messe. Cet Office divin sera nourri et prolongé par la lectio divina, lecture spirituelle méditée.
Dès le Prologue à sa Règle, saint Benoît entend instituer une école du service du Seigneur. Ce service de Dieu dans la vie monastique trouve son expression dans la prière liturgique, “office divin auquel on ne doit rien préférer” (ch. 43). La liturgie est “l’activité” principale du moine, selon les mots de Dom Paul Delatte :
Nous autres moines, nous sommes religieux “sine addito”, nous ne sommes que religieux ; nous sommes à Dieu pour être à Dieu uniquement. L’œuvre propre et distinctive du bénédictin, son lot, sa mission, c’est la liturgie. Il émet profession pour être dans l’Église, société de louange divine, celui qui glorifie Dieu selon les formes instituées par elle, elle qui sait comment honorer le Seigneur et possède les paroles de la vie éternelle. Il est tout entier homme de prière et les formes diverses de son activité prennent spontanément une couleur religieuse, une valeur d’adoration et de louange.
Selon Dom Prosper Guéranger :
La vie monastique se soutient sur deux ailes : ces deux ailes sont le service divin et le travail. Par le service divin nous vaquons à Dieu ; par le travail nous occupons avec mérite les heures que la faiblesse de notre esprit ne nous permet pas de donner à la contemplation.
Le paysage européen s’est forgé en particulier grâce au travail des moines bénédictins : débroussaillage, travail du sol, œuvres architecturales. Avec, derrière ce travail manuel, le travail intellectuel nécessaire de recherche et de transmission dans les sciences de la nature, dans les sciences historiques, et dans les sciences théologiques.