D’après le texte italien des Acta Apostolicæ Sedis, vol. 48, Vatican, 1956, p. 135 ; traduction intégrale en français dans Documents Pontificaux de sa Sainteté Pie XII, Saint-Maurice (Suisse), éditions Saint Augustin, 1958, pp. 79-86.

“Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.”

Cette rencontre avec vous, fils bien-aimés, prédicateurs de Carême et curés de la ville de Rome, est une bien douce coutume. Chaque année, vous vous réunissez autour de Nous pour examiner le travail accompli et surtout pour trouver un encouragement à travailler avec encore plus de zèle dans la partie choisie de la vigne qui vous a été confiée par la prévoyante bonté de Dieu.
Chaque année, vous venez renouveler votre résolution de poursuivre vos efforts, afin que votre action de défense, de conquête, de construction positive devienne de plus en plus fervente et éclairée, toujours plus hardie, harmonieuse et organique. Pour apporter, comme les autres fois, Notre contribution à votre œuvre, voici une parole que nous voudrions voir demeurer imprimée dans vos cœurs.
Vous vous souvenez certainement tous de la scène émouvante racontée par saint Jérôme (Comm. in Epist. ad Galatas, l. 3, cap. 6, dans MIGNE, Patrologia Latina, t. 26, Paris, 1845, col. 433), sans doute, en avez-vous fait plus d’une fois l’objet de votre méditation. À Éphèse, l’apôtre et évangéliste Jean, dans son extrême vieillesse, fut péniblement porté à l’église par ses disciples ; mais, ne pouvant parler longtemps de sa voix fatiguée, il avait coutume de ne dire dans chaque réunion qu’un seul texte : “Filioli, diligite alterutrum”, mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres.
Étant donnée leur vénération extraordinaire pour le saint vieillard, les disciples et les frères écoutèrent d’abord, attentifs et émus, puis ils commencèrent à s’étonner, et enfin ils finirent par manifester leur ennui. Mais lorsqu’ils demandèrent à Jean la raison de sa répétition monotone, ils reçurent une réponse digne de l’Apôtre : “Quia præceptum Domini est, et si solum fiat, sufficit”, c’est le précepte du Seigneur, et si vous l’observez, cela suffit.
Nous désirons vous adresser la même parole, fils bien-aimés, curés de Rome, en cette rencontre solennelle et en même temps intime. Nous sommes certains, en la disant, que nous interprétons le désir de Jésus, dont nous voudrions être — aujourd’hui plus que jamais — un simple et fidèle porte-parole. Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. C’est le précepte du Seigneur : “quia præceptum Domini est.”

Ces paroles du divin Maître, adressées à tous les chrétiens, se référaient certainement d’une manière particulière aux prêtres. Comme Nous l’avons plusieurs fois recommandé, ceux-ci doivent posséder toutes les qualités, dont dépend en grande partie l’efficacité de leur ministère ; mais, mes chers fils, si à côté de la foi, de l’espérance, de l’humilité, de la pureté, vous n’aviez pas l’amour ardent et concret que Jésus prescrit, les autres vertus vous seraient-elles utiles ? Certainement pas. En effet, parler dans les langues des hommes et des anges, faire des prophéties et accomplir des miracles, sans avoir la charité, ne sert à rien ; c’est même comme si l’on n’était rien : “nihil sum”, déclare l’Apôtre (cf. 1 Cor. 13, 1-3).

Le nouvel Ordo de la Semaine Sainte

“Filioli, diligite alterutrum.” Aimez-vous les uns les autres. C’est le souvenir de votre Père ; c’est le mot que nous vous répétons avec une immense tendresse.
Et maintenant, chers fils prédicateurs de Carême et curés, alors que nous vous donnons de tout cœur la Bénédiction apostolique, à vous ainsi qu’à tout ce que vous accomplissez avec zèle. Et nous voudrions en même temps exprimer le souhait que le nouvel Ordo de la Semaine Sainte, appliqué cette année pour la première fois, permette à un plus grand nombre de fidèles d’assister à ces grands et vénérables rites liturgiques. Puisse-t-elle porter les fruits spirituels que l’on espère et contribuer à l’accroissement de la piété et de la vie chrétienne dans la méditation de la passion, de la mort et de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui soient honneur et gloire à jamais. Ainsi soit-il !