commentaire de Saint Augustin
Les Pontifes et les Pharisiens délibéraient entre eux, mais ils ne disaient pas : Croyons, car ces hommes perdus, songeaient bien plus à nuire à Jésus et à le perdre qu’à prévoir comment ils éviteraient de périr eux-mêmes. Toujours est-il qu’ils craignaient et semblaient pourvoir à l’avenir. « Ils disaient » donc : « Que faisons-nous ? car cet homme opère beaucoup de miracles ; si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ils nous extermineront, nous et notre ville ». Ils craignaient de perdre les biens temporels, et ils ne pensaient pas à s’assurer la vie éternelle ; et ainsi ont-ils perdu l’une et l’autre. Car, après la passion et la glorification du Seigneur, les Romains leur enlevèrent et leur ville qu’ils prirent d’assaut, et leur nation qu’ils transportèrent ailleurs, et à eux s’applique ce qui a été dit en un autre endroit : « Les enfants de ce royaume iront dans les ténèbres extérieures (Mt 8, 12) ». Le sujet de leur crainte était que si tous croyaient en Jésus-Christ, il ne restât personne pour défendre la cité de Dieu et le temple contre les Romains ; car ils pensaient que la doctrine de Jésus-Christ allait contre le temple et contre les lois de leurs pères.
« Mais l’un d’eux, Caïphe, le grand « prêtre de cette année, leur dit : Vous n’y connaissez rien, et vous ne considérez pas qu’il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point. Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais comme il était grand prêtre de cette année, il prophétisa ». Par là, nous apprenons que même les hommes méchants peuvent par l’esprit de prophétie annoncer les choses à venir. Cependant l’Évangéliste attribue ce dernier fait à un mystère tout divin ; car, dit-il, il était Pontife, c’est-à-dire grand prêtre. On peut se demander comment il est appelé Pontife de cette année, car Dieu n’avait établi qu’un seul grand prêtre qui, à sa mort, ne devait avoir qu’un seul successeur. Mais il faut croire que, par suite de l’ambition et des rivalités qui surgirent parmi les Juifs, il fut établi dans la suite qu’ils seraient plusieurs, et qu’ils exerceraient leurs fonctions à leur tour et chacun pendant une année. C’est ce qui est dit à propos de Zacharie : « Or il arriva, lorsque Zacharie remplissait en son rang les fonctions du sacerdoce devant Dieu, selon la coutume établie parmi les prêtres, que le sort décida qu’il offrirait l’encens dans le temple du Seigneur (Lc 1, 8-9) ». Par là il paraît qu’ils étaient plusieurs, et qu’ils avaient leur tour. Car il n’était permis qu’au grand prêtre d’offrir l’encens (Ex 30, 7). Et peut-être pour la même année étaient-ils plusieurs qui remplissaient ces fonctions, auxquels d’autres succédaient pour l’année, et parmi eux, le sort désignait-il celui qui devait offrir l’encens ?
Que prophétisa donc Caïphe ? « Que Jésus devait mourir pour la nation ; et non-seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler les enfants de Dieu qui étaient dispersés ». Ces derniers mots ont été ajoutés par l’Évangéliste ; car Caïphe, dans sa prophétie, n’a parlé que de la nation juive, où se trouvaient ces brebis dont le Seigneur dit lui-même : « Je n’ai été envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël (Mt 15, 24) ». Mais l’Évangéliste savait qu’il y avait d’autres brebis qui n’étaient pas de ce bercail, et qu’il fallait réunir pour qu’il n’y eût qu’un seul bercail et un seul pasteur (Io 10, 16). Mais tout cela doit s’entendre par rapport à la prédestination ; car ceux qui n’avaient pas encore cru, n’étaient encore ni les brebis ni les enfants de Dieu.
« À partir de ce jour, ils pensèrent donc à le mettre à mort. C’est pourquoi. Jésus n’allait plus en public parmi les Juifs ; mais il s’en alla dans le pays qui est près du désert, en une ville appelée Ephrem, et là il demeurait avec ses disciples ». Le motif de la conduite de Jésus n’était point la disparition de sa puissance. Certes, s’il l’eût voulu, il aurait vécu publiquement au milieu des Juifs, et ils ne lui auraient fait aucun mal ; mais, dans cette faiblesse apparente de son humanité, il montrait à ses disciples l’exemple qu’ils devaient suivre : il leur prouvait que, pour les fidèles qui sont ses membres, il n’y aurait point de péché à se dérober aux yeux de leurs persécuteurs, et à éviter leur fureur criminelle, en se cachant, plutôt qu’à l’allumer davantage, en se présentant devant eux.
Prières
Oraison
Daignez, Seigneur, dans votre bonté, répandre votre grâce en nos cœurs ; afin que, réprimant nos péchés par les châtiments volontaires, nous souffrions des peines temporelles, plutôt que d’être condamnés aux supplices éternels.
Oratio
Córdibus nostris, quæsumus, Dómine, grátiam tuam benígnus infúnde : ut peccáta nostra castigatióne voluntária cohibéntes, temporáliter pótius macerémur, quam súppliciis deputémur ætérnis. Per Dóminum.
Oraison
Faites, nous vous en supplions, Dieu tout-puissant, que nous qui recherchons la faveur de votre protection, nous vous servions d’une âme confiante, étant délivrés de tous les maux.
Oratio
Concéde, quæsumus, omnípotens Deus : ut, qui protectiónis tuæ grátiam quærimus, liberáti a malis ómnibus, secúra tibi mente serviámus. Per Dóminum.
Oraison
Ô Dieu, dans la passion duquel suivant la prophétie de Siméon, un glaive de douleur a percé le cœur très doux de la glorieuse Vierge Marie, votre Mère, faites, dans votre miséricorde, que célébrant avec respect le souvenir de ses douleurs, nous recueillions les heureux fruits de votre passion.
Oratio
Deus, in cuius passióne, secúndum Simeónis prophétiam, dulcíssimam ánimam gloriósæ Vírginis et Matris Maríæ dolóris gladius pertransívit : concéde propítius ; ut, qui transfixiónem eius et passiónem venerándo recólimus, gloriósis méritis et précibus ómnium Sanctórum Cruci fidéliter astántium intercedéntibus, passiónis tuæ efféctum felícem consequámur : Qui vivis.
Prière de Saint Odilon de Cluny (962-1048)
Je fléchis les genoux pour Celui au Nom de qui tout genou fléchit aux cieux, sur terre et aux enfers, et je confesse ma faute au Père des lumières, à qui appartiennent tous les esprits, lui qui commande sur la terre comme aux cieux. Je te bannis, ennemi du genre humain, toi qui rôdes, cherchant qui dévorer, détourne tes artifices et tes pièges occultes, car la Croix du Seigneur est avec moi, et je l’adore sans cesse.
Ô Croix mon refuge, ô Croix mon chemin et ma force, ô Croix étendard imprenable, ô Croix arme invincible. La Croix repousse tout mal, la Croix met les ténèbres en fuite ; par cette Croix je parcourrai le chemin qui mène à Dieu. La Croix est ma vie : mais pour toi, ennemi, elle est ta mort.
Que la Croix de notre Seigneur soit ma noblesse, que son Sang demeure en moi la vraie rédemption. Que sa Résurrection me donne une foi ferme et une espérance certaine en la résurrection des justes. Et que sa glorieuse Ascension dans les cieux me fasse marcher chaque jour vers l’objet de mon désir céleste ; qu’elle répande l’Esprit-Saint en nos cœurs et nous remette tous nos péchés passés. Ainsi soit-il.
Prière de Saint Anselme de Canterbury (1033-1109)
Ô Vierge sacrée, votre peine a été la plus grande qu’une pure créature ait jamais endurée ; car toutes les cruautés que nous lisons que l’on a fait subir aux martyrs, ont été légères et comme rien en comparaison de votre douleur. Elle a été si grande et si immense, qu’elle a crucifié toutes vos entrailles et a pénétré jusque dans les plus secrets replis de votre cœur. Pour moi, ma très pieuse Maîtresse, je suis persuadé que vous n’auriez jamais pu en souffrir la violence sans mourir, si l’Esprit de vie de votre aimable Fils, pour lequel vous souffriez de si grands tourments, ne vous avait soutenue et fortifiée par sa puissance infinie.
Prière du Cardinal Louis-Édouard Pie (1815-1880)
Ô Vierge Marie, par la vertu de tant de douleurs, faites que nous moissonnions enfin la joie dans le Royaume céleste ! Sachant que la plus solide substance de la piété chrétienne consiste dans la méditation profonde et assidue des mystères du Calvaire, nous voulons, durant notre carrière mortelle, tenir les yeux de notre esprit et de notre cœur attachés à la Passion de Jésus-Christ et à la vôtre. C’est pourquoi le plus familier et le plus doux de nos exercices pieux, sera de témoigner souvent à votre Cœur douloureux notre amour et notre compassion. Nous voulons observer à la lettre la recommandation divine qui nous a été faite de ne pas oublier les gémissements de notre Mère, et de lui rendre honneur tous les jours de notre vie au souvenir de tout ce qu’elle a enduré pour nous dans son sein. Comme prix de tant et de si grandes douleurs, qui ne peuvent être sans effets et sans résultats, obtenez-nous, ô Vierge, de partager vos consolations et votre gloire. C’est cet espoir, ô Marie, qui nous fait accepter avec résignation, avec soumission, que dis-je, avec amour, avec gratitude, les peines et les souffrances de notre pauvre vie. C’est cet espoir qui nous porte à vous demander la faveur de pleurer avec vous et comme vous, et de partager nous-mêmes le sort de Jésus crucifié aussi longtemps que nous vivrons. Oui, nous voulons être en votre compagnie auprès de la Croix, nous associer à vous dans toute l’étendue du deuil et des amertumes de votre âme. Mais, en échange de toutes nos souffrances, sanctifiées et fécondées par leur union avec les vôtres, faites que nous goûtions comme vous, après les tristesses de cette vallée de larmes, la jouissance éternelle de la Patrie. Ainsi soit-il.
Antienne
Ã. Príncipes sacerdótum consílium fecérunt ut Iesum occíderent : dicébant autem : Non in die festo, ne forte tumúltus fíeret in pópulo.
Ã. Les princes des prêtres tinrent conseil pour faire mourir Jésus : mais ils disaient : Non pas un jour de fête, de peur qu’il ne s’élevât du tumulte parmi le peuple.