Tout le mal que les parents se donnent pour leurs enfants, Dieu qui est père de tous, le rendra aux parents.

Saint Pierre Chrysologue

Saint Pierre Chrysologue, évêque de Ravenne et docteur de l’Église (380-451) par les Bénédictins de Paris

Évêque de Ravenne promue résidence impériale, Pierre fut un prélat considérable, avec qui Rome, Milan et Constantinople devaient compter. Éloquent, il reçut quelque temps après sa mort le surnom grec de chrysologue, « au verbe d’or », et en 1729 fut honoré du titre de docteur de l’Église. Sa fête fut alors inscrite au 4 décembre dans le martyrologe romain, l’éloge du saint restant au 2 (d’où sa fête au calendrier bénédictin).

Il naquit vers 405 sur le territoire de Forum Cornelii (Imola). L’évêque de cette ville, Cornelius, le forma comme un bon père à la vie sacerdotale (sermon 165 de Pierre, P. L., t. LH, col. 633. Désormais, nous indiquerons simplement le sermon et la colonne de Migne). Il fut élu évêque de Ravenne entre 425 et 429; son discours d’entrée fut prononcé entre 425 et 434 devant Galla Placidia, « mère de l’empereur (imperii) chrétien, éternel et fidèle,… qui a mérité de mettre au monde une auguste trinité » (130, 557 A), Théodose, Justa Grata Honoria, et Placide Valentinien III. Le sermon 136 en l’honneur de l’évêque Adelphe (très probablement le métropolite d’Aquilée) suggère que Pierre est alors — avant 431 — simple évêque de la VIIIème région, dépendant du patriarcat romain et sans prééminence spéciale. Mais en 431 Théodoret de Cyr et d’autres prélats orientaux, mécontents du concile d’Éphèse, adressaient une lettre aux évêques de Rome, de Milan, d’Aquilée et de Ravenne. Ravenne était donc devenue, en 431, un centre ecclésiastique prépondérant. Le sermon 175 nous apprend en effet que Pierre, tout en restant sufragant de Rome, comme les autres évêques de la Flaminie (Romagne), avait reçu par « édit du prince chrétien », Valentinien III, et par « décret du bienheureux Pierre », Célestin Ier (422-432), le droit de consacrer quelques évêques de l’Émilie. Ce droit appartenait précédemment à l’archevêque de Milan. Ce sermon 175 a été prononcé par notre Pierre lorsqu’il consacra l’évêque de Vicohabentia (Voghenza, quartier de Porto-maggiore, près de Ferrare), et le 165 quand il consacra l’évêque d’lmola. L’absence au synode milanais en 451 des prélats de Forli, Faenza, Bologne, Modène — sans parler de Voghenza et d’Imola — donne à croire que ces sièges furent soustraits à la juridiction milanaise. Rome aurait délégué à Pierre non pas un droit de métropolite sur les diocèses de la Basse-Émilie, mais une sorte de vicariat, pour donner une satisfaction à la cour de Ravenne, et prévenir un démembrement possible de la province ecclésiastique de Rome au profit de Ravenne; on restreignait aussi de cette manière les prérogatives de Milan. N’avait-on pas créé la métropole d’Aquilée et le vicariat d’Arles pour balancer la puissance de Milan? Le voyage d’Adelphe, avant 431, pourrait s’interpréter comme un prélude à cette manœuvre de résistance aux Milanais. Quant à la légende de l’origine apostolique du siège de Ravenne, qui a été considérée comme une invention antiromaine, ce pourrait être au contraire un biais pour hausser Ravenne devant Milan, en faire un bastion romain contre la capitale lombarde. Bref, la grandeur ecclésiastique, puis civile et politique, des prélats de Ravenne au Moyen Âge date du Chrysologue.

Entre 425 et 434, il consacra l’église Saint-Jean-Évangéliste, bâtie en raison d’un vœu formé par Galla Placidia en mer, alors qu’elle voguait de Constantinople à Ravenne. On figure dans l’abside un Chrysologue à la barbe imposante célébrant la messe, avec l’ange de l’épiclèse près de lui. Pierre fonda aussi la cathédrale de Classe (Petriana), et semble avoir consacré à Ravenne l’église des Saints-Jean-Baptiste-et-Berbatien. Ce qu’on appelle de nos jours la chapelle Saint-Chrysologue, au palais archiépiscopal, date en réalité de Pierre II. Notre saint accueillit avec honneur saint Germain d’Auxerre venu négocier une grâce à la cour.

Politique de grande valeur, Pierre a été également un épistolier heureux. Une lettre a suffi pour fonder supra firmam petram sa réputation de théologien et de canoniste. C’est une réponse à Eutychès, archimandrite byzantin, qui était combattu à Constantinople parce qu’il confondait les deux natures du Christ. Eutychès avait demandé appui à Ravenne et à Rome. Pierre lui écrivit, après juin 449, qu’il refusait de prendre parti sans connaître les arguments opposés à Eutychès ; il n’avait pas qualité pour trancher le débat : le jugement de l’affaire appartenait à Rome, « car le bienheureux Pierre, qui sur son propre siège vit et préside, fournit à ceux qui la cherchent la vérité en matière de foi. »

Selon Agnellus (vers 830), Pierre mourut à Imola et fut enseveli un 3 décembre dans la basilique suburbaine Saint-Cassien. Pour Testi-Rasponi, il serait mort un 31 juillet : on aurait échangé les dates de décès entre lui et Pierre II, qui vécut au début du 6ème siècle. Une allusion à sainte Euphémie (sermon 97, 472 D) n’est guère concevable avant Chalcédoine. Pierre serait donc mort après 451.

D’un sermon de Saint Pierre Chrysologue « super Missus est »

Un ange a été envoyé par Dieu. Là où c’est un ange qui est le médiateur, l’homme doit cesser de se faire une opinion par lui-même. Là où l’envoyé vient du ciel, toute interprétation purement humaine doit être rejetée. La curiosité humaine entre en torpeur là où l’ambassadeur est céleste. L’ange a été envoyé par Dieu. Celui qui porte toute son attention sur le fait qu’il a été envoyé par Dieu s’interdit de scruter en profondeur le secret de la Déité. Ce que Dieu communique par l’intermédiaire de son ange, seul mérite de le savoir celui qui craint de le savoir. Écoute le Seigneur qui dit : Sur qui poserai-je mes yeux si ce n’est sur l’humble, le doux, et sur celui qui tremble en entendant ma parole ? L’humble et le doux. Autant il est docile celui qui obéit aux ordres, autant il est indocile celui qui les conteste.

« L’ange est envoyé à une vierge. » Parce que la virginité est toujours connue des anges. Vivre dans la chair en marge de la chair, ce n’est pas une vie terrestre, mais céleste. Et si vous voulez le savoir, acquérir la gloire angélique est une plus grande chose que la posséder. L’ange n’a que le bonheur de l’être, mais la virginité, c’est la vertu qui la fait. La virginité obtient par l’ascèse ce que l’ange possède par nature. L’ange et la vierge remplissent donc une fonction divine, non humaine. Après être entré, l’ange lui dit : « Salut, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes. »

« Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. » Vous voyez les présents qui sont donnés en gage à la vierge ? Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Salut, ce qui veut dire : recevez ! Quoi ? Les vertus en don, mais non la pudeur. Salut, pleine de grâce ! Voici la grâce qui a donné la gloire aux cieux, Dieu à la terre, la foi aux Gentils, un terme aux vices, une règle de vie, une discipline morale. Cette grâce que l’ange a apportée, la vierge l’a reçue pour rendre le salut aux siècles. Salut, pleine de grâce. Parce qu’à chacun, la grâce est donnée par bribes; mais à Marie, c’est toute la plénitude de la grâce qui s’est donnée à elle en entier. « Tous, dit l’évangéliste, nous avons reçu de sa plénitude. » David a dit lui aussi dans le même sens : « Elle descendit comme de la pluie dans une toison. » La laine, bien qu’elle appartienne au corps, ne connaît pas les passions du corps. Ainsi en va-t-il de la virginité. Bien qu’elle soit dans la chair, elle ignore les vices de la chair. La pluie céleste se répand donc dans la toison virginale en y pénétrant goutte par goutte. Et comme des gouttes qui s’infiltrent dans la terre. Pour que les temps qui sont dévolus à la foi, irriguent les semences avec des gouttes vivifiantes, au lieu de les tuer.

« Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. » L’ange est envoyé par Dieu, et que dit-il ? « Le Seigneur est avec vous. » Dieu était donc déjà avec la vierge quand l’ange lui a été envoyé. Dieu a précédé son messager, sans s’éloigner de sa divinité. Il ne peut pas être contenu par les lieux Celui qui est présent dans tous les lieux. Et il est tout entier partout Celui sans lequel rien n’est.

« Vous êtes bénie entre toutes les femmes. » Elle est vraiment bénie la vierge qui a rempli jusqu’au bout la dignité de la maternité, sans perdre la gloire de la virginité. Oui, elle est vraiment bénie celle qui a mérité la grâce d’une conception céleste, tout en maintenant la couronne de l’intégrité. Elle est vraiment bénie celle qui a reçu la gloire d’un divin enfant, sans cesser d’être la reine de la chasteté dans toute sa plénitude. Vraiment bénie celle qui a été plus grande que le ciel, plus forte que la terre, plus élevée que tout ce qu’il y a dans la création. Car elle a été la seule à contenir Celui que le monde ne peut pas contenir. Elle a porté Celui qui porte l’univers. Elle a engendré son Géniteur. Elle a nourri Celui qui nourrit tous les vivants.

Prières

Oraison

Ô Dieu, qui, par des prodiges divins, avez désigné et fait élire pour gouverner et enseigner votre Église l’illustre Docteur, le bienheureux Pierre Chrysologue, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux, celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie.

Oratio

Deus, qui beátum Petrum Chrysólogum Doctorem egrégium, divínitus præmonstrátum, ad regéndam et instruéndam Ecclésiam tuam éligi voluísti : præsta, quæsumus ; ut, quem Doctórem vitæ habúimus in terris, intercessórem habére mereámur in cælis.

Prière tirée du Missel Mozarabe par Dom Guéranger (1805-1875)

C’est une chose digne et juste, et vraiment avantageuse pour nous, de faire retentir sans relâche vos louanges, ô Père tout-puissant ! vous qui, nous ayant créés dans un état de sainteté et de noblesse, daignâtes, par une miséricorde insigne, après que nous eûmes été séduits par la fraude de l’ancien serpent, nous arracher à la mort. Vous annonçâtes longtemps à l’avance que votre Fils, que vous deviez nous envoyer dans la chair, viendrait sur cette terre et naîtrait d’une Vierge ; et vous chargeâtes vos Saints de proclamer d’une voix éclatante l’Avènement de ce Messie, afin que le monde, préparé par une longue attente, conçût une plus grande joie au jour où, la plénitude des temps étant accomplie, le Sauveur lui serait enfin donné. Donc, nous vous prions et supplions que, de même que, dans votre clémence et miséricorde, vous n’avez pas voulu souffrir que votre créature pérît entièrement, mais l’avez rappelée à la vie par l’humble Avènement de votre Fils notre Seigneur ; de même, aujourd’hui, vous daigniez protéger, conserver, guérir, défendre et délivrer ce qu’une première fois vous avez retrouvé, réparé, rappelé à la vie ; afin qu’en ce terrible Avènement où il doit reparaître pour juger ceux par lesquels et pour lesquels il a été jugé lui-même, il retrouve ceux qu’il a rachetés en tel état de fidélité, qu’il puisse les posséder éternellement, lui qui les a acquis au prix de son sang.

Prière de Saint Germain d’Auxerre (378-448)

Très Sainte Vierge, vous qui êtes la plus grande consolation que je reçoive de Dieu, vous qui êtes la rosée céleste qui soulage toutes mes douleurs, vous qui êtes la lumière de mon âme quand elle est enveloppée dans les ténèbres, vous qui êtes mon guide dans les chemins inconnus, l’appui de ma faiblesse, mon trésor dans la pauvreté, mon remède dans la maladie, ma consolation dans la détresse, mon refuge dans la misère, et l’espoir de mon salut, entendez mes supplications, ayez pitié de moi, comme il convient à la Mère d’un Dieu si bon, et obtenez pour moi un accueil favorable de toutes mes prières au Trône de la Miséricorde. Ainsi soit-il.

Antienne

Ã. O doctor optime, Ecclesiæ sanctæ lumen, beate Petre Chrysologe, divinæ legis amator, deprecare pro nobis Filium Dei.

Ã. Ô Docteur excellent ! lumière de la sainte Église, bienheureux Pierre Chrysologue, amateur de la loi divine, priez pour nous le Fils de Dieu.

Antienne grégorienne “O doctor”

par R. P. Joseph-Marie Mercier