Cette règle, c’est un précis du christianisme, un docte et mystérieux abrégé de toute la doctrine de l’Évangile, de toutes les institutions des saints Pères, de tous les conseils de perfection. Là paraissent avec éminence la prudence et la simplicité, l’humilité et le courage, la sévérité et la douceur, la liberté et la dépendance ; là, la correction a toute sa fermeté, la condescendance tout son attrait, le commandement sa vigueur et la sujétion son repos, le silence sa gravité et la parole sa grâce, la force son exercice et la faiblesse son soutien.
Le culte de Saint Benoît par les Bénédictins de Paris
1°. La translation des reliques. — Tradition de France. — Vers le milieu du 7ème siècle fut fondé non loin d’Orléans le monastère de Fleury-sur-Loire. Un de ses premiers abbés, apprenant l’état de ruines où se trouvait le Mont-Cassin après la destruction par les Lombards, et sachant que dans leur fuite, les religieux n’avaient pu emporter les corps de Benoît et de Scholastique, conçut le projet d’enlever ces deux corps ; à son entreprise se trouva mêlé le diocèse du Mans. En 703, un religieux prêtre, avec quelques moines de Fleury, partit en pèlerinage et fut rejoint par une députation de l’évêque du Mans. Ils arrivèrent sans encombre au pied du Mont-Cassin, puis montèrent jusqu’aux ruines. Après des prières, des jeûnes et des veilles, ils découvrirent l’emplacement de l’oratoire de Saint-Jean-Baptiste où reposaient les deux corps. Le terrain déblayé en grande hâte et la dalle funéraire brisée, ils se trouvèrent en face des deux corps dont les ossements furent mis à part, enveloppés soigneusement dans des linceuls. Le retour s’opéra heureux et rapide : le 4 décembre, les deux corps furent solennellement reçus à l’abbaye de Fleury-sur-Loire. Le trésor fut déposé dans l’église de Saint-Pierre : on décida d’aménager une sépulture plus noble dans l’église Sainte-Marie. Le corps de sainte Scholastique fut remis aux députés du Mans ; celui de saint Benoît fut solennellement transféré le 11 juillet. Pendant cinquante ans, l’abbaye de Fleury s’abstint d’ébruiter l’événement : le moine de Lorsch, qui écrivit la première chronique de son abbaye, inscrivit comme première date, l’an 703 pour la première translation de saint Benoît du Mont-Cassin à Fleury-sur-Loire.
Au Mont-Cassin, le pape Grégoire II voulant entreprendre la restauration, trouva pour cette tâche Pétronax de Brescia qui partit de Rome avec quelques moines du Latran. Ce Pétronax soutenu par Grégoire II, puis par Zacharie put relever l’église de Saint-Martin, puis construire une église dite de Saint-Benoît en place de l’oratoire de Saint-Jean-Baptiste : les restes de saint Benoît ne furent point retrouvés. Sollicité par l’abbé Optat, le pape Zacharie (vers 750) adresse aux évêques francs une lettre demandant la restitution des reliques de saint Benoît. Par une transaction, les moines de Fleury cédèrent quelques ossements ; le corps de saint Benoît resta à Fleury.
Ce récit a été contesté par les moines du Mont-Cassin. Mais dom L’Huillier (Le patriarche saint Benoît, appendice V) résume les arguments en sa faveur. Ce sont quatre faits d’histoire bien avérés : a) Durant cinq siècles, la fête de la translation de saint Benoît s’est trouvée admise universellement dans l’Europe chrétienne. Le Mont-Cassin a imaginé d’y substituer la fête du patronage de saint Benoît, le 11 juillet. — b) Au Mont-Cassin, il n’y a jamais eu d’élévation solennelle des reliques de saint Benoît. Les chroniques y parlent, il est vrai, de plusieurs inventions du tombeau, à partir de 1066, mais les récits sont inconciliables dans leurs détails. En 1659, Angello della Noce, abbé du Mont-Cassin, constate dans le tombeau la présence de quelques ossement sans aucune inscription : tout ce que l’on peut montrer c’est un ossement jadis reçu de Fleury, puis donné à l’abbaye de Léno, près Brescia. — c) Le défunt-Cassin a cru à la translation pendant trois siècles et plus (de 703 a 1066) : durant ce temps, il n’y a de sa part aucune réclamation, et qui plus est des faits positifs attestent sa créance comme la lettre du Pape Zacharie, la concession de quelques reliques par l’abbaye de Fleury, etc. — d) Le témoignage de la Chronique de Léno impuissant à infirmer le récit de l’enlèvement des reliques.
2°. Les fêtes de saint Benoît. À trois dates différentes dans les documents anciens, on trouve une mention de saint Benoît, 21 mars, 11 juillet, 4 décembre. Le martyrologe de Bède a les deux mentions suivantes : 21 mars, Sancti Benedicti abbatis ; 11 juillet, Depositio sancti Benedicti abbatis. La plus ancienne mention que l’on ait du 4 décembre, porte ces mots : a partibus Romæ, adventus corporis sancti Benedicti. Ce fut pour Fleury, la première déposition du corps de saint Benoît dans une des deux églises de l’abbaye, Saint-Pierre ou Sainte-Marie : les chroniqueurs l’appelèrent translatio, puis (il)latio. Adrevald croyant que le corps était arrivé le 11 juillet intervertit les deux fêtes, se mettant ainsi en contradiction avec les martyrologes antérieurs. La confusion devint complète au 11ème siècle, quand un moine allemand, ayant séjourné à Fleury, imagina de baser la fête du 4 décembre sur une prétendue réversion des reliques d’Orléans. Les deux autres fêtes du 21 mars et du 11 juillet furent adoptées universellement.
Les cassiniens se sont toujours refusés à faire l’ouverture liturgique du tombeau dans lequel ils paraissaient affirmer la présence du corps de saint Benoît. À partir du 17ème siècle, ils s’efforcèrent de démontrer la fausseté des prétentions françaises ; de la fête du 11 juillet qui subsistait, ils ont fait la commémoration ou le patronage de saint Benoît. Les moines français sont seuls demeurés fidèles à la fête antique de la translation du 11 juillet.
Du Prologue de Saint Benoît à sa Règle
D’abord, en tout bien que tu entreprennes, demande-lui par une très instante prière qu’il le mène à bonne fin. Ainsi, lui qui a daigné nous compter parmi ses fils n’aura pas un jour à s’attrister de nos mauvaises actions. Il nous faut, en effet, lui obéir en tout temps, à l’aide des biens qu’il a mis en nous, afin que non seulement, tel un père offensé, celui-ci n’ait pas à déshériter un jour ses enfants, mais encore qu’en maître redoutable, irrité par nos méfaits, il n’ait pas à nous livrer à la peine éternelle, comme de très mauvais serviteurs qui n’auraient pas voulu le suivre jusqu’à la gloire.
Levons-nous donc enfin à cette exhortation de l’Écriture qui nous dit : « L’heure est venue de sortir de votre sommeil » (Rm 13, 11). Les yeux ouverts à la lumière divine et les oreilles attentives, écoutons l’avertissement que nous adresse chaque jour cette voix de Dieu qui nous crie : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez vos cœurs ! » (Ps 94, 8) ; et encore : « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! » (Apc 2, 7) Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur » (Ps 33, 12). Courez, tant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous saisissent. (Io 12, 35)
Et le Seigneur, cherchant son ouvrier dans la multitude du peuple auquel il fait entendre ce cri, dit encore : « Quel est l’homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » (Ps 33, 13) Que si, à cette parole, tu réponds : « C’est moi ! » , Dieu te dit alors : « Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle, garde ta langue du mal et tes lèvres des paroles trompeuses ; détourne-toi du mal et agis bien ; cherche la paix et poursuis-la » (Ps 33, 14-15). Et lorsque vous aurez fait ces choses, « mes yeux seront sur vous et mes oreilles attentives à vos prières » (Ps 33, 16), et « avant même que vous m’invoquiez, je dirai : Me voici » (Is 58, 9). Quoi de plus doux pour nous, mes très chers frères, que cette voix du Seigneur qui nous invite ? Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.
Nos reins ceints de la foi et de l’observance des bonnes œuvres (Is 11, 5 ; Eph 6, 14), sous la conduite de l’Évangile, marchons donc dans ses sentiers, afin de mériter de voir Celui qui nous a appelés dans son royaume. Si nous voulons habiter sa demeure, il nous faut y courir par les bonnes œuvres, sans lesquelles on n’y parvient pas.
Prières
Oraison
Manifestez, Seigneur, dans votre Église, l’Esprit auquel a obéi notre Bienheureux Père Benoît : afin que, en étant remplis, nous nous appliquions à aimer ce qu’il a aimé et à pratiquer ce qu’il a enseigné.
Oratio
Excita, Dómine, in Ecclésia tua Spíritum, cui beátus Pater noster Benedíctus Abbas servívit : ut eódem nos repléti, studeámus amáre quod amávit, et ópere exercére quod dócuit.
Prière de Dom Joseph Mège (1625-1691)
Je vous rends grâces, mon Dieu, de tous les avantages que vous avez faits au Corps du grand Saint Benoît, et des merveilles dont vous avez bien voulu l’honorer. Je vous rends grâces aussi de ce que vous en avez enrichi la France. Faites, mon Dieu, que ce précieux trésor ne me soit pas inutile, mais que j’en tire cet avantage, qu’à l’exemple de ce Saint je mortifie ma chair, afin qu’elle vous soit parfaitement soumise , et que par votre puissant secours j’anéantisse si bien le péché dans mon corps mortel, qu’il mérite de jouir de l’immortalité bienheureuse. Ainsi soit-il.
Antienne
Ã. O cæléstis norma vitæ, pastor et dux, Benedícte ! cuius cum Christo spíritus exsúltat in cæléstibus : gregem, Pastor alme, serva, sancta prece corróbora ; via cælos clarescénte fac te duce penetráre.
Ã. Ô norme de vie céleste, notre pasteur et chef, Benoît : avec le Christ votre âme exulte dans les cieux ; pasteur saint, conservez votre troupeau, aidez-le de votre sainte prière, et par une voie lumineuse, faites-le entrer au ciel sous votre égide.