Cette année 2015 qui s’achève a été marquée par le 14ème centenaire de la mort de saint Colomban (21 novembre 615), marquée par des célébrations « culturelles » et « cultuelles » indignes, sacrilèges, mêlant chants païens et chant grégorien notamment, ou occultant l’exemple d’intégrité religieuse de ce grand saint, intégrité doctrinale, intégrité morale, intégrité monacale. Il est temps pour nous de faire un peu connaître ce saint qui a profondément marqué notre région.
Vers la fin du VIème siècle, un souffle puissant, venu d’Irlande, passa sur la Gaule mérovingienne. Après y avoir tourbillonné pendant une vingtaine d’années, il s’éloigna vers l’Est, passa les Alpes et descendit en Italie. Ce cyclone, qui remua bien des choses dans l’Église et dans la société, est celui du moine COLOMBAN. A une chrétienté rongée par le péché et entourée de peuples encore païens, ce moine celte apportait les « remèdes de la pénitence », comprise de façon neuve, et le zèle missionnaire. La jeune foi de l’Irlande, un vigoureux idéal de renoncement, une observance monastique sans compromission faisaient la force de ce barbare cultivé, capable de bâtir autant que de prêcher. Intransigeant et obstiné, non moins attaché à son particularisme irlandais qu’à l’Évangile universel qu’il annonçait, il se heurta aux rois et aux évêques, subit persécution et bannissement, mais sa sainteté s’imposa à tous et son œuvre prospéra par l’épreuve.
Saint Colomban est né en Irlande vers 540. Tout jeune, il entendit l’appel de Dieu et entra à Cluain-Inis où il fut formé par Sinell, disciple de Saint Finian de Clonard, puis au monastère de Bangor que venait de fonder Saint Comgall. C’est pour participer, lui aussi, à la PEREGRINATIO PRO CHRISTO, chère aux Irlandais, qu’il quitta son pays pour débarquer en Gaule avec ses douze disciples.
Notre pays, dévasté et pillé un siècle plus tôt, présentait à tous égards un aspect pitoyable. La plupart des habitants avait été massacrés et le paganisme régnait de nouveau presque partout. Les anciens monastères ou évêchés avaient survécus, mais que restait-il vraiment du souvenir de saint Jean de Réomé, Saint Honorat, Saint Germain ou Saint Martin ? La Règle de Saint Benoît, mort quelques années auparavant, n’avait pas encore pénétré en Gaule.
Il y avait alors un vaste désert nommé Vosges où se trouvait un poste militaire en ruine depuis longtemps, auquel une tradition ancienne donnait le nom d’ANNEGRAY. Arrivé là, le Saint s’y installa avec les siens. Il se contentait d’un peu de nourriture pour subsister, se souvenant de la parole de Notre Seigneur selon laquelle l’homme ne vit pas seulement de pain, mais se rassasie de la parole de Dieu. Le monastère d’Annegray devenant trop petit par suite de l’affluence des vocations, saint Colomban songea qu’il fallait chercher dans ce même désert un autre emplacement pour y construire un Monastère. Il obtint du roi Childebert la concession des ruines de LUXOVIUM, situées alors à l’extrémité de l’épaisse forêt de la « Vôge », peuplées uniquement de bêtes sauvages. Plus tard encore, l’affluence des novices obligea Saint Colomban à une nouvelle fondation, celle de Fontaine, mais Luxeuil fut la résidence habituelle du saint Abbé. Luxeuil demeure le centre et l’âme de l’institut colombanien.
Gontran, roi de Bourgogne, avait attiré Saint Colomban dans ses terres, ce fut son petit neveu Thierry qui joua le rôle le plus important dans la vie de notre Saint. Les mœurs de Thierry, comme celles de la plupart des princes francs, étaient libres. Brunehaut, son aïeule, dont l’ambition redoutait une rivale, ne lui permit point de contracter un légitime mariage et encouragea les désordres du jeune prince. Saint Colomban ne put supporter cela, ce qui déplût très fort à Brunehaut qui en conçut une haine terrible pour l’apôtre et finalement obtint du roi sa condamnation à l’exil. Le dessein de Thierry avait été de renvoyer Saint Colomban en Irlande, d’où il était venu. Mais à Nantes, le vaisseau qui devait le rapatrier, lui et ses compagnons, fut rejeté pendant trois jours sur la plage: finalement, on laissa Saint Colomban en liberté. Il se rendit successivement à Soissons, puis à Metz. Colomban rêvait dès lors une vie de prédication tout apostolique : il s’embarqua sur le Rhin, pénétra en Suisse et demeura quelques temps dans la région de Bregenz sur le lac de Constance, où il établit une Abbaye. De là, il passa finalement les Alpes et entra en Lombardie où le roi Agilulfe lui donna les terres de Bobbio dans une gorge des Apennins. C’est là qu’il fit sa dernière fondation monastique et mourut le 21 novembre 615.
La REGULA MONACHORUM nous dit, entre autre, que l’on doit « chaque jour prier, chaque jour jeûner, chaque jour travailler, chaque jour lire ». Cela nous donne une idée de la vie quotidienne de nos premiers moines, et il n’est pas douteux que Saint Colomban ait institué de véritables cours, destinés à enseigner la lecture, l’écriture, le dessin, les lettres, l’étude de la Bible et des Pères de l’Église. N’avait-il pas, lui-même, composé un Commentaire sur les Psaumes et plusieurs traités concernant le chant et l’enseignement ?
A cette école seront formés : Saint Cagnoald, qui deviendra évêque de Laon ; Saint Attale, qui succèdera au maître à Bobbio ; Saint Ermenfroy, futur évêque de Verdun ; Saint Potentin, le fondateur de Coutances ; Saint Desle, qui établira Lure ; Saint Gall qui donnera son nom au célèbre monastère suisse ; Saint Sigisbert, qui fondera Disentis dans les Alpes ; Saint Valéry, le premier abbé de Sithiu, et tant d’autres… Malgré l’exil forcé de Saint Colomban, en 612, ordonné par le roi Thierry et la reine Brunehaut, l’école fut maintenue, grâce à deux abbés remarquables : saint Eustaise (612-629) et surtout saint Valbert (629-670), qui introduisit la Règle Bénédictine. Nous y trouverons de nouveaux élèves : Saint Amé, fondateur de Remiremont ; Saint Donat, évêque de Besançon ; Saint Eloi, le célèbre orfèvre, fondateur de Solignac ; Saint Faron, évêques de Meaux ; saint Achaire à Noyon ; Saint Leudemond à Sion ; Saint Philibert à Jumièges ; Saint Germain, abbé de Moutier-Grandval ; Saint Ouen à Rouen, et toute une pléiade de saints, qu’il serait trop long d’énumérer ici. Luxeuil s’est donc épanoui comme un chef d’ordre et fut véritablement, selon le mot de Dom Grappin, le dernier savant de l’Abbaye, « l’école de toutes les sciences, l’académie des grands hommes, le modèle de tous les monastères de France ».
SAINT COLOMBAN peut être regardé comme un des plus grands moines ; son œuvre fut immense. Tous les monastères colombaniens adoptèrent par la suite le REGLE DE SAINT BENOIT. Toute notre région, et même l’Europe entière lui doivent la Foi.